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 Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1

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Celine Mancellon

Celine Mancellon


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MessageSujet: Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1   Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1 Icon_minitimeMar 8 Mai - 11:53

ATTENTION CECI EST EN COURS DE CORRECTION


– Première partie –



«Subversif»



Définition :

Qui tend à menacer, à provoquer ou à renverser l'ordre établi.



«Quoi que tu fasses, c'est toi que tu espères sauver.

C'est toi que tu perds»



Edmond Jabès



Chapitre I



– Rencontre –



(Anae)

J'aimais prendre des photos de nuit.
L'effet en était saisissant.
Comme si mon œil percevait la face cachée de ce qui m'entourait grâce à mon appareil.
L'air chargé d'humidité suscitait en moi une certaine crainte pour mon boîtier. Cependant, l'envie de profiter de cette balade avait été trop tentante.

La nuit enveloppait la ruelle à peine éclairée par l'unique lampadaire. Un phare à l'allure malingre dans cette minuscule artère de la ville. Et seule source lumineuse rassurante dans cette rue déserte aux airs de vieille Angleterre.
Je faisais la mise au point sur un vieux banc en bois dévoré par le temps, quand une ombre se faufila lentement pour se placer dans mon champ de vision, au travers de mon objectif.
Je zoomai.
C'était un chien.
Un drôle de chien tout de même.
Bien que massif, il était loin d'être trapu. Sans doute un chien croisé avec un Berger Allemand. Il arborait un pelage ébène si brillant que même la lumière faiblarde du réverbère s'y reflétait.
Intriguée, je recommençais la mise au point sur lui.
L'animal, assis, me fixait, les oreilles pointées dans ma direction.
J'agrandis un peu plus pour capter le regard du chien.
Étrange...
La morphologie du canidé me rappelait plutôt celle du loup.
L'objectif sous mes doigts agiles se mit à grossir les prunelles étonnamment jaunâtres du chien.
Au moment où j'appuyai sur le déclencheur, une vague couleur rubis coula dans les yeux de l'animal.
Je sursautai et levai ma tête de l'appareil photo.
J'hallucinais ?
En collant une nouvelle fois mon œil au viseur, je m'aperçus que non, le regard du chien possédait uniquement cette couleur jaune vif, hypnotique.
J’attendis longuement le surprenant changement.
En vain d'ailleurs.
Je devais être sérieusement fatiguée pour m'offrir ce genre de délires.
Je m'accroupis afin de ranger mon appareil dans sa sacoche.
C'était bien beau tout ça, mais l'heure de rentrer venait de sonner.
Lorsque je sentis son souffle tiède sur mon front, je me figeais.
Ce satané cabot était encore plus furtif qu'un ninja !
Il se trouvait là, juste à quelques centimètres de mon visage.
Oh que voilà ?
Une sublime angoisse d'être déchiquetée par cet animal mangeur de viande !
La frousse me traversa telle une vague électrique, me glaçant les os au passage.
Sans geste brusque, je relevai à peine mon visage vers lui tout en priant pour ne pas me faire attaquer.
Le chien plongea son regard dans le mien, la gueule entrouverte dans une espèce de rictus qui, sans être inamical, n’en était pas sympathique pour autant. Un liquide poisseux collait à son pelage autour de sa mâchoire inférieure jusqu'au poitrail.
Était-il blessé ?
Mue par une impulsion, je tendis la main vers lui.
S'il s'agissait de sang, autant en avoir le cœur net.
Le molosse esquiva mon geste en baissant sa gueule, les oreilles aplaties sur son crâne. Puis il s'écarta pour m'empêcher de le toucher.
— Laisse-toi faire ! Si jamais tu es blessé, je devrai t’emmener chez le véto' !
L'animal secoua la tête et s'éloigna.
J'étais agacée, déçue et soulagée. Quel drôle de mélange émotionnel.
— Très bien, comme tu veux ! Je rentre !


* * *


Dès que j'eus franchi le seuil de notre petit appartement, Mélissa me sauta littéralement dessus.
— Anae ! Tu as vu ta tête ?!
J'essayai de la rassurer d'un sourire. Mais vu sa figure à elle, la mienne devait faire peur.
— Ce n'est rien, dis-je d'un ton qui se voulait posé.
Peine perdue, les trémolos épouvantés de ma voix me trahirent.
— Que s'est-il passé ?
— Une étrange rencontre... en revenant à la maison.
J'espérai secrètement que l'interrogatoire s’arrêterait là. Sans trop me faire d'illusion.
— Mon Dieu ! souffla-t-elle.
Devinant facilement où allaient ses pensées, je les stoppai net.
— Non rien de ce genre, Mel ! Je... j'ai... je me suis retrouvée nez à nez avec un drôle de chien, peut-être blessé. Je crois même que c'était un loup.
— Pardon ?
— Oui, c'est vraiment fou, soupirai-je.
— Tu es sûre que c'était un… loup ? Non mais parce que… un loup, ici... À Carrilouet...
Sa mimique sceptique ne m'échappa pas. J'aurais eu la même à sa place si la situation avait été inversée.
— Je ne suis pas catégorique.
Devant son air stupéfait, je lâchais un petit rire nerveux.
— Et...?
— Et rien, il ne m'a pas laissé l'approcher, terminai-je aussi neutre que possible.
— Tu crois qu'on devrait avertir le zoo, ou la police de... enfin, qu'il y a cette bête qui se promène en ville ? demanda Mélissa en se dirigeant vers l'évier.
Elle m’offrit un verre d'eau tandis que je me débarrassais de mon sac et de mon manteau.
— Oui, je m'en occuperai demain matin avant d'aller bosser.
J'acceptai la boisson avec gratitude.
Rien de tel qu'une eau fraîche pour compenser une déshydratation causée par une formidable trouille.
Depuis cette improbable entrevue avec monsieur-le-chien-loup, je me sentais suivie.
N'importe quoi.
Un animal aux instincts primaires ne file pas sa proie pareil à un psychopathe. Surtout après avoir eu l’occasion d’en faire son brunch.
Pourtant, j'allais tout de même coller mon nez à la fenêtre. Mon verre à la main, tendue, je scrutai l’avenue.
Je m'attendais à quoi ?
À voir un loup au pelage nuit faire le guet en bas de l'immeuble ?
Rien d'étrange sur les trottoirs, hormis quelques rares passants emmitouflés.
Avec Mel, nous avions pris un appartement au dernier étage.
Et je nous félicitai pour ce choix.
Quelle horreur si j'avais dû passer la nuit au rez-de-chaussée... hantée par l'idée d'un cabot sociopathe rôdant pour éventuellement me dévorer dans mon sommeil !
Ma colocataire se rapprocha de moi, l'air soucieux.
— Anae... Max m'a appelée avant ton arrivée pour sortir… Je vais décommander.
— Surtout pas, l'interrompis-je en accompagnant mes paroles d'un geste de la main. Ça va déjà mieux, il n'y a pas eu « mort d'homme ». Je vais me contenter d'un bon bain et me coucher. Ne change pas ta soirée pour une bricole sans importance.
Mensonge.
Mais avec un peu de chance, il passerait.
— Tu es sûre… ?
Mélissa hésitait. Bon signe.
— Absolument.
Il y avait assez de convictions dans ma voix pour convaincre le diable en personne.
Le sujet était clos.


***



Le bain fut excessivement apprécié par mes muscles endoloris.
Une serviette nouée sur la poitrine, je tentais d'enlever de la main la buée sur la glace au-dessus du lavabo. Cette dernière prenait un malin plaisir à y revenir aussitôt.
Quoi ! Fallait-il que je m'arme d'un sèche-cheveux afin de l'éradiquer pour de bon ?
J'en étais là à mes pensées lorsque la sensation d'une présence me provoqua la chair de poule.
Ce fut très bref, trop rapide.
Mon regard dans le miroir croisa une paire d'yeux onyx m'incendiant sur place. Je n'eus pas le loisir de voir le reste du visage, ni celui de crier. Le temps d'un clignement de paupières, il n'y avait rien d'autre que ma figure déformée par une magnifique terreur.
Ce soir, c'était soirée psychose. D'autres font des soirées disco ou bowling... Il semblerait que je trouve plus marrant de donner dans la défaillance mentale.
J'enfilai rapidement un grand t-shirt en me traitant de paranoïaque névrosée – sans cesser néanmoins de surveiller la glace... au cas où. Puis me brossai les dents et démêlai ma longue chevelure châtaine.
L'étrange apparition ne se renouvela pas et je lui en sus vraiment reconnaissante.
Ce fut en détalant tel un lapin que je quittai la salle de bain.
Oh refuge rassurant !
Mon petit lit douillet !
Je jetais des coups d’œil inquiets vers ma porte comme si un monstre digne des romans de Stephen King allait apparaître sur le seuil. À vrai dire, je n'étais pas tellement copine avec son terrifiant clown de «It».
Une heure passa, puis deux.
La fatigue gagna sur ma volonté de lire une ancienne édition des trois mousquetaires, vingt ans après.
Je m'endormis pour être victime de rêves peuplés de loups affamés cherchant à me becqueter.
Soit une suite logique à cette soirée.


***


(Liam)



Dans la chambre doucement éclairée par la lune, Liam ne se lassait décidément pas du spectacle.
Il aurait dû pourtant.
Personne ne tombait en admiration devant de la nourriture.
Il ricana silencieusement, se moquant de lui-même : à moins d'être un gourmet particulièrement attaché à la qualité.
Elle était là.
À sa portée.
Il suffisait de se pencher un peu plus pour respirer pleinement son odeur particulière.
Pauvre petite chose ne soupçonnant pas une seule seconde l'effroyable avenir se traçant devant elle.
L'avoir laissé s'échapper sciemment le contrariait. Des mois à la chercher pour finalement, rebrousser chemin.
Une vague de colère le submergea.
Grand guerrier de son clan, ému jusque dans la chair par une faible humaine, aussi spéciale qu'elle fût, dixit L’Oracle.
Pourquoi ne pas l'attraper par la peau du cou pour l'embarquer purement et simplement vers son funeste destin ?
Faire dans la sensiblerie ne lui ressemblait absolument pas.
Pourtant, il restait là, accroupi sur ce meuble défraîchi, à la renifler de loin. Écoutant avec avidité son pouls s'emballer au gré de ses rêves. Gravant chacun de ses traits fins dans son esprit.
Quelle était l'origine de ce changement à cent quatre-vingt-dix degrés ?
L'expression de terreur sur son visage d'ange ?
Son parfum intriguant ?
Un attrait atypique émanait de cette jeune femme.
Se pourrait-il que... l'Oracle eût raison ?
Liam pesta contre lui-même. Il se comportait pareil à un jouvenceau ébloui devant son premier béguin.
Ses yeux tombèrent sur un foulard posé à même le dossier d'une chaise. D'un geste vif de la main, il s’en saisit puis porta le bout de tissu en soie bariolé à son nez. L'écharpe embaumait de cette fragrance unique.
C’était son parfum à elle.
Aussi féroce combattant qu'il était, cela ne l'empêcha pas d'enfourner la fine écharpe dans sa poche, tout en se traitant mentalement de pervers.
Pourquoi désirer subitement une chose portant son odeur ? D'où venait cet étrange besoin incontrôlable?
Pervers, songea-t-il encore.
Liam fronça les sourcils en se souvenant de sa mission : amener Anae Leffroy à Emmery.
En cas d'abstention de sa part, il était évident que leur chef enverrait un autre "chasseur". Et ce dernier n’aurait pas de scrupules idiots, lui.
Ou ne tomberait pas sous le charme de cette humaine.
Liam pesta.
La tentation l'emporta sur sa raison.
D'un bond souple et silencieux, il se retrouva incliné au-dessus du corps offert d'Anae. Le guerrier baissa sa tête jusqu'à ce que son visage ne soit qu'à quelques millimètres de celui de la jeune femme.
Il inspira profondément en fermant les yeux, se délectant de son arôme.
Un métissage olfactif aphrodisiaque : celui entêtant de son sang se mélangeant délicatement à son odeur naturelle.
Un effluve de peau, de savon et... une autre chose indéfinissable.
Devait-il remercier d'avoir vécu longtemps dans le monde des humains et arriver à se maîtriser sans faillir?
Tout au moins... jusqu'à un certain point.
Rester prudent. Très prudent.
Sa véritable nature pouvait surgir à n'importe quel moment.
Un être plus jeune se serait certainement jeté sur la gorge de l'adorable endormie sans préambule.
Pas lui.
Enfin, il l’espérait.
La main de Liam se plaça avec légèreté sur la couverture. Captivé, il suivit lentement du doigt la courbe de sa hanche, appréciant son contact, jusqu'à atteindre le creux du genou.
Il était fasciné par ce qu'il éprouvait en cet instant précis.
Son corps se réveillait.
Un éveil vibrant et inconnu.
Et cela grâce à la proximité de cette humaine.
Liam connaissait le désir physique intimement lié à sa nature. Cependant, l'intensité qu'il expérimentait était totalement différente. Jamais un être « normal », humain, ne l'avait autant bouleversé.
Le soupir insouciant de la jeune femme le fit sourire.
Être trop troublé par cette proie le dérangeait tout en le charmant.
Et la faim s'anima, monstre affamé s'étirant entièrement dans son corps.
Anae Leffroy devint synonyme de problèmes.
La seconde suivante, ne restait de lui qu'une brume dense et blanchâtre, se faufilant par la fenêtre.
Liam se matérialisa sur le toit.
Le vent hivernal secouait les pans de son long manteau. En s'abaissant, il se concentra sur la chambre d'Anae pour écouter les battements de son cœur.
Du bout des doigts, il tapota les tuiles au même rythme.
Quelle musique ensorcelante pour un prédateur de son genre !
À force de volonté, Liam s’arracha de mauvaise grâce au son mélodieux. Il devait établir un plan. Ne pas satisfaire le roi des vampires relevait du suicide. Si on pouvait parler de « suicide » dans sa communauté...
À cette pensée, une grimace désabusée lui étira les lèvres.
Enfermé dans une cellule vous privant de vos pouvoirs, à se nourrir de rats.
Voilà ce qui attendait les félons et les rebelles dans les clans.
Après avoir médité sur la question, Liam se dit qu'il ne restait que le mensonge à demi-mot pour gagner du temps.
Soit annoncer à Emmery que la nature de la jeune femme était loin d'être prouvée, nécessitant un délai supplémentaire.
Leur chef détestait les bévues ou erreurs tactiques.
Discrétion avant tout, voilà le leitmotiv des vampires.
Par contre, il devrait mettre à profit ce laps de temps pour élaborer une sortie de secours au chétif bout de femme dormant sous ses pieds.
Ne sachant toujours pas en vertu de quoi il prenait des risques aussi absurdes, il sauta du toit en maudissant sa nouvelle émotivité.


***

(Anae)

Le téléphone retentissait à travers mon crâne. J'ouvrais les yeux avec difficultés tandis que ma main cherchait à tâtons à s'emparer de l'objet hurlant.
— Allô… fis-je d'une voix lourde, la tête à peine sortie de la couverture.
— Anae ? C’est Frances, il faut que tu viennes d'urgence à la galerie !
— Mais...
— Pas de « mais » qui tienne, Robert a vendu une de tes toiles dans la nuit.
Je me redressai brusquement, complètement réveillée cette fois-ci.
— Mais aucune de mes œuvres n’est exposée ! Comment est-ce possible ?
— Figure-toi que le fils d'un milliardaire a exigé de visiter la galerie à deux heures du matin pour trouver un cadeau à son père… Tu connais Robert ! Son goût pour l'argent ajouté à un immense désir de briller auprès des fortunés... bref, il a tout de suite accepté. Apparemment rien n'a enthousiasmé l'acheteur. Il a finalement réclamé à voir la réserve.
Là, Frances, l'assistante de Robert, éclata de rire.
Je me rappelai subito qu'effectivement, plusieurs de mes peintures stagnaient dans cette fameuse réserve, patientant que je les ramène chez moi.
— Robert s'est donc plié à ses quatre volontés, reprit l’assistante, surexcitée. L'acheteur plein aux as est tombé sur ta toile en lâchant juste un « celle-ci ».
Je tentais de digérer la nouvelle.
Il ne me restait plus qu'à sauter dans un jean pour me rendre à la galerie au pas de course.
Tant pis pour le loup d'hier soir et la police ! Au pire, c'était simplement un gros Berger Allemand – tentative pitoyable de me donner bonne conscience en partant sans effectuer mon boulot de citoyenne.


***


À bout de souffle, ma main hésita un court instant avant de tourner la poignée de la porte de la galerie Bermand & Brice. Cela me paraissait tellement incroyable.
Mon tableau... Vendu.
Je pénétrai fébrilement à l'intérieur, au summum de la nervosité.
Tout d'abord, je ne le vis que de dos.
Vêtu d'un long manteau noir, il paraissait immense avec des épaules larges, des cheveux soyeux aussi noirs que le reste de sa tenue.
Je perçus mieux Frances, qui elle, se trouvait directement dans mon champ de vision. Impeccable dans son seyant tailleur gris. Ses cheveux blonds relevés en un chignon irréprochable. Des lèvres vermeilles esquissaient un sourire béat tandis que ses yeux ne cessaient de papillonner.
« Ma parole... Elle le drague! », pensai-je en souriant.
L'homme sembla se raidir comme s’il avait senti ma présence. Puis se tourna légèrement, m'offrant ainsi son profil.
Un long nez aristocratique, une mâchoire carrée, une pommette saillante ainsi qu’un sourcil fourni et bien dessiné.
J'inspirai un grand coup pour évacuer le trac qui me soulevait l'estomac puis refermai, sans le vouloir, un peu trop brutalement la porte.
Frances réalisa enfin qu'ils n'étaient plus seuls.
L’expression qui se peignit sur son visage pouvait être la même que l'on fait lorsqu'on vous arrache à un merveilleux rêve.
Je m'avançai prudemment.
Soudain, l'acheteur noctambule pivota complètement vers moi.
Et la terre s'arrêta de tourner.
On pense toujours trouver ce genre d'émotions surréalistes dans les films ou livres romantiques. Du moins, c'est aussi ce que je pensais : le coup de foudre n'existait pas. Fadaises, rêves, fantasmes pour adolescentes travaillées par ses hormones.
Alors d'où venait ce choc violent qui me transperçait ?
Des prunelles sombres me dévisagèrent avec intensité, provoquant une jolie envolée de papillons dans mon ventre.
L'homme face à moi incarnait l'idéal masculin. N'importe quel acteur sexy et en vogue pouvait aller se rhabiller. Cet homme le surpassait, et de loin.
Une lueur amusée éclaira un bref instant son regard, pour redevenir promptement impénétrable.
— Monsieur MacDowen ? commença Frances de sa voix la plus veloutée, je vous présente Anae Leffroy, l'artiste de l’œuvre.
Je devais paraître insipide à côté de l'assistante manucurée. Jean usé, longs cheveux châtains n'ayant pour eux que leur formidable résistance à toute coiffure un tant soit peu recherchée, tant ils étaient raides.
Même une simple queue de cheval ne tenait pas plus de cinq minutes chrono.
— Enchanté de faire votre connaissance, mademoiselle Leffroy.
Quelle voix ! Basse avec un accent indéfinissable, un je-ne-sais-quoi d'attirant et de sexy !
Malgré mon examen un peu trop insistant de sa personne – honte à moi ! – j'avais toutes les peines du monde à lui donner un âge. Peut-être vingt-six ou vingt-huit ans. Sans en être sûre.
— De même, articulai-je enfin.
Il désigna ma toile, celle de la crucifixion du Christ faite il y a plusieurs mois lors d'une période pas très gaie de ma vie.
— C'est réjouissant comme choix pour un cadeau familial, dis-je d'une voix acide.
J'aurais voulu ravaler cette phrase avant même de la prononcer.
Me traiter mentalement de crétine de haut niveau était là un adjectif trop gentil à mon goût.
Frances me fusilla du regard tandis que MacDowen étouffait un rire, visiblement diverti par ma réflexion.
Au moins un qui se réjouissait de mes stupides paroles !
— Ce n'est pas une personne très joyeuse de toute manière. Ce tableau lui ira à merveille. Mademoiselle Guerrin attendait après vous pour finaliser la vente. Vu que votre œuvre ne fait pas partie de la collection de la galerie, elle avait quelque difficulté à m'annoncer un prix sans votre accord préalable. Monsieur Bermand ayant dû s'absenter... Il ne reste plus que vous pour… trancher dans le vif, si je puis dire.
En ponctuant sa dernière phrase d'un sourire, il me dévoila involontairement une rangée de dents d'une blancheur à faire pâlir d'envie n'importe quel dentiste.
Deux adorables canines pointues amplifiaient son charme.
— Je... Je ne sais pas, bredouillai-je. Je n'avais pas prévu de vendre mes tableaux… Du moins pour l'instant. Je n'ai pas la moindre idée de leur valeur marchande, terminai-je, gênée.
MacDowen pencha légèrement la tête sur le côté pour m'analyser d'un regard incisif.
Eh bien ? Cherchait-il à évaluer mon honnêteté ?
— Pourquoi, dans ce cas, ne pas débattre du prix autour d'un déjeuner ? Cela vous conviendrait-il, Miss Leffroy ?
Il prit mon silence effaré pour un oui. Sans me laisser plus de temps pour répondre autre chose, il enchaîna, satisfait :
— Très bien, je repasse ici dans environ deux heures, nous négocierons l'achat en savourant un excellent repas.
— Je... Oui.
Pourquoi étais-je incapable d'aligner une phrase correctement en sa présence ?
Possédait-il le don de me rendre dépourvue du minimum syndical d'intelligence ?
En guise d'au revoir, MacDowen adressa une moue séductrice à Frances qui cilla.
On pouvait la comprendre, la pauvre.
C'était à se demander s'il se rendait compte de l'effet qu'il produisait sur les femmes pour utiliser son charme aussi facilement. Oui, vu ses manières, il en était parfaitement conscient.
Comment pourrait-il en être autrement ?
À moins d'être aveugle et sourd.
Faire chavirer les cœurs devait lui être aussi naturel que de respirer.
Avec Frances, nous le suivions toutes deux des yeux, les bras ballants.
Le soupir chargé de regrets de l'assistante de Robert me sortit de ma transe tandis que je fixais la porte, sans vraiment la regarder.
— Ce Liam MacDowen est tout simplement délicieux, murmura-t-elle, plus pour elle-même qu'à mon attention. Quelle chance as-tu de déjeuner avec lui ! Je me serais bien incrustée !
Il y avait du reproche dans le ton de sa voix.
Je haussai les épaules.
— Il ne m'a pas vraiment laissé le choix. Il se prénomme donc Liam ?
— Oui, Robert m'a confié qu'il était écossais d'origine... chuchota Frances, l’œil humide. Ce qui expliquerait qu'il soit aussi grand ! Quel athlète ! Tout en muscle !
Il fallait à tout prix changer de sujet sinon j'allais passer les deux prochaines heures avec des pensées hors sujet en tête.
— En parlant de Robert, où est-il ?
— Pas la moindre idée... Je l'ai vu ce matin, blanc comme un linge et il n'avait pas l'air bien. Il n’est resté qu’une petite heure pour ensuite m'informer que je saurais me débrouiller avec toi.

***

Les deux heures passèrent à une lenteur me donnant des envies de trépigner. J’avais réussi l'exploit d’occuper mes mains au classement plus que rébarbatif des fiches clients.
Merci Robert de ne pas vouloir t'en séparer au profit d’un logiciel professionnel, ne prenons pas le risque de me laisser mourir d'ennui à la galerie.
Tout cela pour dire que mon esprit restait verrouillé sur monsieur MacDowen malgré la tâche.
Il me faisait un effet dingue.
Jamais un homme avant lui n'y était parvenu en vingt-trois ans de vie. Ce Liam possédait une sorte de charisme qui m'aimantait.
Qu'est-ce qui chez lui, outre son physique quasi parfait, me donnait cette envie irrépressible de lui sauter dessus ?
Une énorme Berline luxueuse noire, un modèle ultra récent – une Audi peut-être ? – attira mon regard et mes pensées en se garant devant la vitrine de la galerie.
Liam MacDowen en sortit avec une grâce féline.
Lorsque je vis quelques passantes ralentir, probablement dans l'espoir d'attirer son attention, j'étais sciée mais pas vraiment surprise.
Impressionnant. Ce type pouvait faire la pub d'un déodorant masculin sans problème... Les femmes tombaient en pâmoisons en sa présence.
Soudain, nos regards s'accrochèrent. On se dévisagea longuement l'un l'autre par la vitre.
J'avais un mal de chien à m'arracher à l'emprise de ses yeux et surtout, je n'en éprouvai absolument pas l'envie. Plonger dans le regard de Liam était comparable à se laisser glisser dans un lac obscur et cotonneux : on s'y sentait engourdie.
À croire qu'il n'était pas humain pour posséder un tel pouvoir d'attraction.
Il mit fin à notre interlude en coupant le fil invisible me reliant étrangement à sa personne.
Répondant à une demande non formulée, je m'approchais de l'entrée.
De plus en plus bizarre.
Être parfaitement consciente d'assister à quelque chose d'absolument anormal, sans en être choquée.
Trouver l’anormal... « normal ».
Mon pouls s'accélérait au fur et à mesure que la distance qui nous séparait se rétrécissait.
Un sourire satisfait étira sa bouche, comme s’il avait perçu mon besoin urgent de le rejoindre. Ou de mon trouble. Voire les deux.
Comment pouvais-je savoir cela ?
Je sortis et l'air froid me mordit le visage, m'extirpant ainsi de mon étrange torpeur.
Rien de tel qu'une température hivernale pour vous ramener à la réalité pronto.
Je lui jetais un regard en biais, gênée par mes réactions physiques si violentes.
Sentiment qui me paniquait et me ravissait – dont je devais être la seule à ressentir.
Soyons honnêtes, un homme de ce genre ne se sort qu'avec des mannequins et non des névrotiques attifées en adolescente. Quoique, il ne me semblât pas avoir aperçu Liam MacDowen dans un magazine dit « people ».
Lorsqu'il s'avança vers moi, son parfum aguicha mon sens olfactif. Quelque chose de boisé, musqué.
Hautement troublant.
D'un geste souple, il me contourna pour m'ouvrir la portière, m'invitant à entrer d'un mouvement gracieux de la main.
Oui, un tantinet désuet à notre époque, mais venant de monsieur MacDowen, cela avait le goût d'un délicieux privilège.
Une fois à l'intérieur du véhicule, je m'aperçus qu'il s'était changé. Troquant sa tenue ténébreuse du matin pour des vêtements plus décontractés : un jean et un pull marine avec un col en V.
En y réfléchissant bien, elle s'accordait parfaitement à la mienne.
Devais-je le remercier de sa délicate attention de ne pas me faire passer pour une paysanne ?
Mes yeux s'attardèrent plus que de raison sur les muscles de ses cuisses. L'idée saugrenue de poser ma main dessus me secoua les hormones. Et à mon grand désespoir, l'idée me fit rougir.
Complètement exaspérant, à croire que j'avais passé la moitié de cette journée à rougir ou à le reluquer. Je n'osai plus le regarder franchement.
Si jamais il avait surpris mon manège, j'allais mourir de honte.
Malgré cela, je tentais un petit regard discret. Pour rencontrer une lueur amusée dans ses prunelles.
— Tout va bien, mademoiselle Leffroy ? Vous souhaitez peut-être que je baisse le chauffage ? fit-il, hypocrite.
Le goujat ! Il avait remarqué mon malaise et s'en amusait !
— Oui, cela serait très gentil, répondis-je tout aussi fausse.
Mon teint rouge ne venait pas de l'excès de chaleur et il le savait. Mes deux mains à couper.
Je finis par m'obliger à fixer le flux de la circulation dans laquelle nous étions pris.
— Je ne me suis pas correctement présenté ce matin, j'avais… la tête ailleurs, me confia-t-il en riant doucement. Je m'appelle Liam MacDowen.
Même son rire était divin. Frustrant. Agaçant. Énervant.
— Liam... MacDowen… C'est écossais, non ? dis-je pour relancer la conversation.
Il me jeta un rapide coup d’œil en esquissant un petit sourire en coin.
— Oui.
J'attendais une suite qui ne vint pas.
Il fallait absolument trouver un sujet afin d'éviter que mon esprit ne se perde dans une contemplation inappropriée de sa personne.
Rien que le fait d'évoquer l'idée, mon cœur s'emballait de façon prodigieuse.
Il se raidit brusquement, me troublant d'autant plus.
— Pourquoi mon tableau ? demandai-je à brûle-pourpoint.
— Pourquoi pas ? rétorqua Liam du tac au tac.
— Ce n'est pas une réponse !
— Cela n'en était pas une.
Liam stoppa la voiture pour laisser la priorité à d'autres véhicules. Puis il se tourna vers moi.
Là, de nouveau, son regard ébène me parut singulier. MacDowen soupira, agacé.
— Je vous l'ai dit à la galerie, Miss Anae, c'était tout simplement le cadeau parfait pour mon... Père.
Il prononça le dernier mot en articulant exagérément, comme s’il lui coûtait de le dire.
Son comportement m'intriguait. Mais ne le connaissant pas suffisamment pour aborder le thème délicat « relation père et fils », je retenais donc ma curiosité déplacée.
— Nous y sommes.
L'établissement me déclencha un sentiment de panique.
Un restaurant luxueux.
Je n'étais certainement pas habillée de façon adéquate pour ce type d'endroit.
Comme s’il avait suivi le fil de mes pensées. Il me lança :
— Cela n'a aucune importance, le propriétaire est un ami.
Liam me scruta plus intensément.
— Vous êtes parfaite, Anae Leffroy, ajouta-t-il d'une voix douce.
Je grimaçais.
Très gentil de sa part de vouloir me rassurer, mais je n’avais rien d’une gravure de mode.
En véritable gentleman, Liam sortit le premier de la voiture puis m'ouvrit la portière.
Entrer dans un établissement haut de gamme, vêtue façon cafétéria était une chose que je n'avais jamais expérimentée.
À l'intérieur, tout y était bordeaux et noir, somptueux. D'un luxe outrancier, même.
À notre droite se présentait une grande salle bondée d’hommes en costumes – presque interchangeables vu qu’ils se ressemblaient de manière effrayante – et de femmes classes à souhait.
Une hôtesse d'accueil attendait derrière son comptoir en bois précieux en affichant un air passablement snob – une sublime rousse au teint de pêche, à la coiffure et au maquillage sophistiqué. Quand elle nous aperçût, elle décocha un sourire sirupeux à Liam.
Décidément, toutes les femmes du coin en voulaient à la peau de cet homme.
— J'ai réservé mon salon habituel.
Il avait accompagné sa phrase d'un sourire qui aurait eu la capacité surnaturelle de dégeler un iceberg en quelques secondes.
— Oui, bien sûr, monsieur MacDowen, susurra l'hôtesse avec un regard de biche.
Je ne sus pas pourquoi, mais la soudaine envie de lui balancer son livre de réservations dans la figure me démangea.
Moi, jalouse ? Quelle idée !
— Si vous voulez bien me suivre, je vous y accompagne, enchaîna-t-elle.
Autant lui demander direct de coucher avec lui avec une intonation pareille !
Ce fut un confortable mini sofa d'angle en velours assorti au reste de la décoration du restaurant qui nous attendait.
Je posais certainement mon délicat postérieur sur un meuble valant trois fois mon salaire.
Perspective plus stressante qu'amusante.
La disposition de ce dernier avec la table nous forçait à être assis l'un à côté de l'autre et non l’un face à l’autre.
Ainsi, j’offrais mon profil à mon interlocuteur alors que si je souhaitais le regarder, je devais tourner la tête sur la droite.
Sentir sa proximité ajouté à la lumière feutrée présente n'aidait pas vraiment à garder éloignées les pensées impures.
Je remerciai le ciel de la faible luminosité du salon car s’il devait encore me voir rougir, j’en piquerais une crise de nerfs.
— Un serveur va venir s'occuper de vous, monsieur MacDowen, la maison peut vous offrir un apéritif pour patienter ?
— Anae, vous désirez boire quelque chose avant de manger ? me demanda posément Liam.
« Un double whisky sans glace pour me donner du courage ! », pensai-je, tout en déclinant poliment.
Liam remercia la réceptionniste, sans vraiment la regarder. Simplement parce que son attention était braquée sur ma petite personne.
Son intérêt me fit gigoter et je me mis à manipuler distraitement mes couverts – fort nombreux – pour me donner une contenance.
— Si nous discutions affaires ? proposa-t-il joyeusement après le départ de l'hôtesse.
— Oui, bien sûr.
Je me traitais d'idiote. Avais-je osé imaginer deux secondes que nous étions en plein rencard amoureux ?
— Deux mille euros.
Je m'étouffais avec ma propre salive.
— Vous êtes fou ! m'écriai-je, stupéfaite. C'est trop !
Voilà donc le défaut de monsieur-bombe-atomique : déficience mentale.
— On peut dire que vous savez négocier une vente.
J'ignorai avec superbe sa remarque ironique.
— Parce que mon tableau ne vaut pas cette somme ! Je suis réaliste.
— Vous vous sous-estimez, rectifia-t-il avec hauteur.
— Et vous voulez quoi avec ma peinture ? persiflai-je.
Avec une rapidité féline, il se pencha vers moi, ses yeux devenant curieusement brillants. Puis un sourire carnassier retroussa lentement ses lèvres.
— Proposeriez-vous un supplément, miss Leffroy ?
Cette phrase presque chuchotée me caressa le visage tel un souffle de velours. Ces mots possédaient la capacité de vous toucher réellement.
Mon palpitant ne survivrait pas à cet homme.
Je devais avoir l'air d'une souris aux prises avec un serpent.
De nouveau l'idée qu'il était bien plus que ce qu'il paraissait m’effleura bizarrement l'esprit.
— Je ne pensais pas à ÇA !
Tentative pitoyable de ma part pour éviter à mon ego de souffrir inutilement.
Il recula d’un seul mouvement, satisfait de son petit effet.
Liam reprit son air amusé en se calant dans l'angle du sofa, dans une attitude suffisante.
— Et vous saviez à quoi je songeais, bien sûr.
Il prononça ses paroles avec une lenteur calculée, tout en ne me lâchant pas des yeux. Et ce regard... Oh, mon Dieu, ce regard faillit me brûler vive.
— Euh… non... évidemment. Je... dire... vous demandiez probablement un rein ou un autre organe en prime du tableau.
Menteuse !
Ma voix intérieure me hurlait que j’étais une vraie gourde d'imaginer qu’il pouvait en vouloir à ma vertu.
MacDowen éclata d'un rire franc.
— Je n'irais pas jusque-là, Anae, je me contenterais de bien moins encombrant et de bien plus savoureux.
Il était si caressant, cependant, il y avait quelque chose d'autre...
Un magnétisme obscur dans son attitude, très attirant.
Que pouvait-il bien me prendre ?
Le véritable sens de cette phrase m'échappait.
L'arrivée d'un serveur aussi inexpressif que guindé nous interrompit.
Il nous détailla longuement le menu, certainement appris par cœur, proposant des accompagnements aux consonances poétiques. Liam hocha la tête puis demanda une bouteille de vin au nom imprononçable.
— J'espère que cela ne vous dérange pas, j'ai commandé pour vous.
— Du tout, de toute façon je n'ai rien compris au menu. Il aurait très bien pu parler chinois.
D'ailleurs, en l'état actuel des choses, j'étais si troublée que manger du poulpe vivant entrait dans l'ordre du possible.
Voire même m'en servir deux fois.
Liam laissa échapper un petit rire.
— Au moins je vous distrais, monsieur MacDowen, grognai-je, agacée.
— Terriblement.
Je le fusillais du regard, mais il ne parut pas le moins du monde s'en offusquer, continuant d'arborer cette mine réjouie.
— Comment avez-vous atterri dans notre ville ? Dans notre galerie ? demandai-je abruptement.
Son expression changea radicalement. Il passa de la gaieté à cet air impénétrable que je commençais à connaître.
— C'est une longue histoire, éluda-t-il, glacial.
— J'adore les longues histoires, susurrai-je, en essayant de singer avec humour les mimiques de l'hôtesse.
J'eus le plaisir de lui arracher un bref ricanement étouffé avant qu’il ne redevienne hermétique.
— C'est un sujet que je ne souhaite pas aborder.
Tant de mystères ne firent qu'aiguiser ma curiosité... Bien sûr.
Le serveur réapparut, le bras chargé d'une seule assiette. Je levai un regard interrogateur vers Liam, il y répondit par une grimace désabusée.
— Je n'ai pas faim, se crut-il obligé de préciser
Il s'exprimait avec lassitude, comme si cette phrase avait été dite maintes fois.
Lorsque le serveur déposa mon assiette, l'odeur alléchante qui s'en dégageait fit gronder furieusement mon estomac – consternant.
C'était du poulet accompagné d'une sauce divine et d'un riz à se damner.
L'homme le plus séduisant du monde – se trouvant à ma droite – se contentait d'un verre de vin. Il le porta à ses lèvres pour en boire une gorgée tout en me fixant d'une manière brûlante, aussi intense que brève.
L'avais-je rêvé ?
Liam paraissait produire un effort surhumain en self-control.
D'où me venaient ces pensées ? Très perturbant.
Je me raclais la gorge.
— Il est bon ?
— Quoi donc ?
— Le vin, pardi !
MacDowen sembla réaliser qu'il tenait un verre à ballon entre ses doigts.
— Oh ça... « Bois du vin... C'est lui la vie éternelle », prononça-t-il à voix basse.
— C'est de qui ? m'enquis-je, curieuse.
Avions-nous là encore une phrase à double sens ?
— Un mathématicien Perse... Omar Khayyâm. Un érudit du douzième siècle, reprit Liam après une petite minute de silence.
— Je ne sais toujours pas si vous approuvez mon prix…
La manœuvre pour changer de sujet était évidente. La tournure de la conversation devenait glissante mais uniquement pour lui.
Je repoussai mon assiette pratiquement vide devant moi en soupirant.
— C'est exagéré. Ma toile ne vaut pas ce prix-là. Je refuse, je préfère de loin vous l'offrir, monsieur MacDowen.
Je me mis à rire et repris.
— Elle ne vaut même pas le prix d'un repas ici, hoquetai-je, hilare.
Liam était loin de partager mon avis puisqu'il arborait un air furieux.
— Je cherche à acheter un cadeau et non que l'on m'en fasse un, Miss !
Pourquoi tant de colère ? Un peu disproportionnée cette réaction. N'importe qui aurait accepté, sautant sur l'occasion d'éviter de débourser un sou ! Décidément je ne le comprenais pas.
— Je ferai parvenir le chèque à la galerie, décida-t-il. Affaire conclue.
— Très bien, rétorquai-je avec raideur.
Je détestais quand on me forçait la main. Liam possédait une autorité naturelle. Typique de ceux considérant que toute chose sur terre n'a pas d'autre choix que de plier sous sa volonté.
Certitude faisant empirer mon désir de me rebeller. Il devait avoir l'habitude d'être obéi sans résistance.
Liam afficha encore ce maudit sourire arrogant, si l'idée n'était pas complètement grotesque, j'aurais volontiers cru qu'il avait cerné mes pensées et était pleinement d'accord avec elles.
— Je crois qu'il est temps d'y aller, reprit-il soudain. J'ai... quelques rendez-vous.
— Oh.
Je n'avais aucune envie de le quitter. Je ne le verrais probablement plus jamais. À cette réflexion, mon cœur se serra, écrabouillé par un étau invisible. Je me levai, la mort dans l'âme.
Il n'émit aucun son. Rien, pas une parole tout le long du retour. Il prenait le chemin pour me déposer à la galerie quand je l'interrompis.
— Je préférerais rentrer chez moi directement, murmurai-je en lui indiquant mon adresse.
— Très bien, dit-il en opinant de la tête.
À quoi pouvait-il penser ?


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MessageSujet: Re: Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1   Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1 Icon_minitimeMer 9 Mai - 8:40

J'ai hâte de le lire en entier car le chapitre 1 met l'eau à la bouche
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MessageSujet: Re: Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1   Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1 Icon_minitimeMer 9 Mai - 9:08

Bientôt, bientôt ^^ Moi aussi je languis qu'il soit "là" *_*

Bizoux Sev !
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MessageSujet: Re: Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1   Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1 Icon_minitimeSam 12 Mai - 19:31

Je suis sous le charme, comme Anae pour Liam Very Happy

J'ai hâte d'être en octobre Wink Le chapitre 1 m'a laissée sur ma faim Rolling Eyes
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MessageSujet: Re: Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1   Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1 Icon_minitimeLun 14 Mai - 7:27

Rahaaaaaaaaaa ! moi aussi je languis !!
Tu verras LOB réserve vraiment son lot de surprises ( surtout à partir du livre 2 u_u )
Avec ce projet, je ne voulais pas en mettre pleins les mirettes dès le premier tome, je préfère faire ça crescendo, que l'on découvre des tas de choses au fur et à mesure du nombre de livres ^^
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MessageSujet: Re: Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1   Extrait - chapitre premier - Les Ombres Brumeuses, Livre 1 Icon_minitime

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